Le Garde
Il est né sous un cadavre, Littéralement. Sa mère pendait à un arbre, le ventre ouvert par la maladie ou par la lame personne ne sait. C’est dans la boue et le sang qu’on l’a trouvé, hurlant, accroché à la vie comme une bête. Un groupe de mercenaires l’a ramassé, pensant y voir un présage ou un pari. Il a grandi parmi eux. Pas d’école, pas de foyer. Juste des bottes, des cendres, et des ordres aboyés à coups de ceinture. On lui a appris à tenir une épée avant de savoir écrire son nom. À ne pas pleurer. À ne pas aimer. Ceux qui s’y risquaient mourraient. Toujours. Il a tué son premier homme à neuf ans. Par réflexe, par peur. On l’a félicité. Ce soir-là, on lui a donné un morceau de pain et une armure trop grande. Ce fut sa récompense. Son baptême. Mais même au milieu des loups, il n’en était pas un. Il ne violait pas. Il ne pillait pas. Il obéissait… et protégeait. Un jour, il a disparu. Parti sans un mot. Certains disent qu’il a déserté, d’autres qu’il a été banni. Lui, il s’est simplement reconstruit une raison. Aujourd’hui, il garde. Non plus pour l’or, ni pour l’honneur. Mais pour cette maigre paix qu’il n’a jamais eue. Chaque nuit, il veille. Chaque nuit, il choisit une vie. Et tant que son bras tiendra, il ne permettra plus jamais qu’un enfant naisse sous une corde.

