Le Falotier
Il est né sans cri. Pas un pleur. Pas un son. Sa mère disait qu’il ne faisait pas de bruit parce qu’il savait déjà que le monde ne l’écouterait pas. Il n’a pas de nom. Ou plutôt, il en a trop eu. Allumeur. Veilleur. Fantôme. Témoin. Il est tout cela. Et rien à la fois. Très tôt, il a compris : ceux qui parlent trop meurent. Ceux qu’on regarde trop attirent la nuit. Alors, il est devenu l’homme de l’ombre. Celui qui passe sans déranger. Qui éclaire sans être vu. Celui qu’on oublie aussitôt qu’il disparaît au coin d’une ruelle. Et pourtant, il est toujours là. Dans les rues désertes, entre deux réverbères. Sous les fenêtres closes. Dans le souffle du vent. Dans le grincement du bois. Dans la flamme tremblante qui naît au bout de sa perche. Il ne juge pas. Il ne condamne pas. Il écoute. Il regarde. Il retient. On dit qu’il sait tout ce qui se murmure quand les portes se ferment. Qu’il a vu des choses qui ne doivent pas être nommées. Des vérités trop lourdes pour les langues humaines. Il ne dort jamais vraiment, car les secrets ne dorment pas. Et quand la nuit tombe, la vraie nuit – celle des masques qui glissent, des lames qui luisent – alors il ouvre les yeux. Et il allume les feux. Un à un. Pour voir. Pour montrer. Pour que nul ne puisse dire « je ne savais pas ». Il est Le Falotier. Celui qui veille. Celui qui éclaire. Celui qui sait.


