L'apothicaire
Il dit qu’il soigne. Et c’est vrai. Il soigne. Mais personne ne demande comment il a appris. Il a grandi dans une ville rongée par la peste. Les cadavres s’empilaient plus vite que les prières. Un jour, il a vu sa soeur mourir. Lentement. Le lendemain, il ouvrait son corps. À mains nues. À ce moment-là, il a cessé d’être un enfant. Son obsession est née ce jour-là : vaincre la mort. Comprendre. Contrôler. Dompter. Il a étudié dans l’ombre, ramassant des organes, écrasant des plantes interdites, notant chaque réaction, chaque échec. Il a sauvé des vies. C’est vrai. Mais il en a brisé cent fois plus. Des mendiants, des orphelins, des prisonniers… Il appelait ça "contributions au progrès". Et quand ses pairs ont voulu le brûler pour hérésie, il les a guéris d’une maladie qu’il avait lui-même propagée. Depuis, il est respecté. Craigné. Incontournable. Aujourd’hui encore, il murmure à ses fioles, et se demande, chaque nuit : qui devra encore mourir pour qu’un autre vive ? Car la mort a un coût, et lui seul sait comment le négocier.


